dimanche 3 juillet 2016

L'église Saint-Germain de Rennes (02)

L'histoire de l'église Saint-Germain par Ogée en 1846...


« L'on ignore à quelle époque fut fondée l'église Saint-Germain. »


Dictionnaire de Bretagne par Ogée 1853 - Article « Saint-Germain »

C'est par ces mots que commence l'article concernant l'église Saint-Germain dans le Dictionnaire de Bretagne par Ogée, dont la première édition remonte à 1778-80.

Ce livre reste une somme de référence pour connaître la géographie et l'histoire de notre belle Province et plus particulièrement le passé de Rennes et donc de l'église Saint-Germain...

La page de garde "Dictionnaire de Bretagne" par Ogée - Edition de 1853


Je suis tombé il y a quelques jours sur la seconde édition de cet ouvrage - un original daté de 1853, et en très bon état (impressionnant !) - que j'ai relu avec plaisir et attention et où l'on trouve un article concernant l'église « Saint-Germain » et que je souhaitais vous faire partager ici, sur ces pages, puisqu'il y a naturellement sa place...


Page 594-595 de l'édition de 1853

Article « Saint-Germain » dans le "Dictionnaire de Bretagne" par Ogée - Edition de 1853
L'article « Saint-Germain » dans le "Dictionnaire de Bretagne" par Ogée - Edition de 1853



Saint-Germain

L'on ignore à quelle époque fut fondée l'église Saint-Germain. Cependant nous trouvons aux archives départementales (9 G. 9) un acte de 1402 qui constate un don fait à cette paroisse; un autre acte de 1406, passé par le recteur et le général, réfère quittance d'une rente sur maison sise « rue Basse, ès fosbourgs de Rennes ; » enfin, par un acte de 1410, les bourgeois reconnaissent devoir à « la fabricque de Saint-Germain » 12 liv. de rente sur tous ses biens, pour être « participants aux bienfaicts » de ladicte église. — Ce dernier acte permettrait de croire que Saint-Germain n'était pas alors fort ancien, et l'on pourrait supposer que cette paroisse aurait été érigée vers la fin du XIVᵉ siècle.

Le style général de l'église nous semble aussi autoriser cette supposition. La porte principale rappelle par ses meneaux, et surtout par son arcade ogivale, le style des chapelles Saint-Yves et Sainte-Anne, (Voir ci-dessus.) Elle offre du reste, comme celles-ci, une singulière particularité, c'est que l'axe de l'arcade ne correspond pas à l'axe du pignon. D'où vient cette bizarrerie ? Nous l'ignorons absolument, et ne savons quelle cause lui attribuer. — Les fenêtres nord de la nef sont, par leurs meneaux du XIVᵉ siècle. Elles durent être, dans l'origine, garnies de vitraux de couleur pareils à ceux dont on voit des fragments former toute la maitresse vitre (1). Quoi qu'il en soit des suppositions ci-dessus, il est certain que le bas de l'église ne fut construit que dans le XVIᵉ siècle, ainsi que nous allons le démontrer par un titre authentique. Peut-être pourrait on supposer qu'on suivit, dans cette construction, le style général des premiers travaux ; c'est tout ce qui nous parait admissible. - Voici le titre dont nous parlions tout-à-l-heure :

« En l'assemblée de la confrairie des merciers et espiclers de la ville et forsbourg de Rennes, auquel estoient présens… estant la maire et plus saine partie des frères de ladicte confrairie congrégés et assemblés par manière du corps politique,… comparu Jean Bodet, l'un des modernes fabriqueurs… de l' église Saint-Germain de Rennes, qui… a dit et remonstré que lui et les précédent trésoriers et fabriqueurs de ladicte église ont, des aulmones faites par le bon peuple chrestien leur données et envoyées, fait construire partie de ladicte église, et entre autres choses le bas de ladicte église, et y éligé la place d'une vitre (2) à six passées, garnie de fromerie et jambages, où est à mettre et assoir une vitre dont chacune passée couste cinquante cinq livres monnoye, par marché fait et conclud avec Orson Lésec, vitrier-peintre ; et a ledict Bodet requis aux assistants leur plaisir estre, sur les deniers de ladicte confrairie donner une ou plusieurs passées de ladicte vitre, et que en icelle qu'ils donneront seront mises les armes de la confrairie (3) aux despens de la fabrice… Sur et de ce ensemble consultés... ont liberallement donné deux desdites passées à estre assises en ladicte vître an plaisir des paroissiens de la dicte église et de telle ystoire qu'il plaira, moyennant que les armes de la confrairie, qui sont d'azur à une croix d'or et quatre croizilles d,argent, seront mises et assises haut et bas desdites passée... Vingtième jour d'octobre de l'an mille cinq cent quarante-cinq » (4).

Le côté nord de l'église présente seul des bas-côtés ; mais tout fait présumer que le côté sud a dû en avoir de pareils, et qu'ils ont été remplacés, en 1606, par les chapelles actuelles, qui sont d'un autre style que les premières. Ce côté nord, malheureusement le seul qui ne soit pas en évidence, est fort remarquable et d'un caractère qui rappelle en plus grand l'architecture des chapelles Sainte-Anne et Saint-Yves ; c'est-à-dire qu'il peut appartenir au XIVᵉ siècle ainsi, que la vitre principale, dont les meneaux sont fort beaux.

Saint-Germain avait été mal bâti; car, à plusieurs reprises on y a fait d'importantes réparations. En 1519, la tour, qui est restée inachevée, fut entreprise (5). A cette dernière époque probablement, la nécessité de faire des consolidations à l'édifice força de boucher quelques-unes des fenêtres du sud dont plusieurs présentent un caractère plus ancien que tout le reste de l'édifice, ce qui permettrait de croire que, tout en étant attribuables au XIVᵉ siècle, les parties nord de l'église pourraient être postérieures à celles-ci, et dès lors du XVᵉ. — Malgré cette grande réparation, Saint-Germain continua à donner des inquiétudes pour sa solidité. En 1771, l'église menaçait ruine. Par délibération du général de la paroisse, on demanda au roi, son seigneur et présentateur, l'autorisation d une coupe de bois dans la forêt de Rennes. Pour enlever cette autorisation, l'on affirmait, ce qui était peu sincère, que la paroisse comptait 20.000 âmes. Il paraît qu'à cette époque on fit encore quelques travaux de consolidation (Arch. dép. 9, G. 58)

Lors de la construction de la tour, l'on avait éprouvé le besoin de démolir deux maisons nécessaires à l'accroissement du cimetière et à l'empattement de cette tour. MM. de Matignon et de la Prévalaye, desquels ces bâtiments dépendaient, consentirent à ce que désiraient les trésoriers de l'église. Le 6 décembre 1682, une délibération autorisa le seigneur de la Prévalaye, conseiller au Parlement de Bretagne, possesseur du fief de Matignon, en reconnaissance de cette concession, à poser les écussons de ses armes, un contre un des piliers de la tour (on y voit encore son empreinte); un autre au haut de la vitre du pignon ouest de l'église; deux autres enfin sur le portail. — Toutefois, il était bien stipulé que cela ne pouvait donner au sieur de la Prévalaye droit de seigneurie en l'église, le seul seigneur, comme nous venons de le dire, étant le roi.

Saint-Germain est aujourd'hui l'une des plus riches paroisses de la ville. — L'on y voit quelques bons tableaux; une statue de sainte Anne, due au ciseau de Gourdel; une autre de saint Roch, par Molcheneht ; enfin, un charmant reliquaire, bois et or, sculpture de Barré. Son jeu d'orgues, dit 32 pieds, est le meilleur de la ville.

Notes :
(1) Les vitraux ayant été brisés pendant la Révolution, on a réuni, plus tard, tous les fragments encore debout, pour reformer cette vitre, qui était la moins endommagée. Par endroits les sujets ont été assez heureusement rapprochés, notamment dans les travées supérieures ; mais la plus grande partie n'offre qu'un confusion. Telle qu'elle est cependant, cette restauration a le mérite d une précieuse conservation de vitraux admirables de nuances.
(2) Cette vitre portait le nom de « Vitre de l'Apocalypse. »
(3) On voit aujourd'hui ces armes dans la vitre derrière le grand autel, au bas, derrière un vase m bois peint.
(4) Manuscrits appartenant à M. Vatar, bibliothécaire.
(5) Cette construction et cette date nous aideront à établir que les bas-côtes nord lui sont antérieurs. En effet, on voit à la simple inspection de ceux-ci, et notamment par la dernière fenêtre à l'ouest, que c'est la muraille de la tour qui a pénétré les bas-côtés, et non les bas côtés qui ont pénétré la muraille de la tour. Les moulures de cette fenêtre sont pour ainsi dire perdues dans celle-ci ; et si elle eût été postérieure à la tour, on eût, ne fût-ce que pour la symétrie, laissé quelque espaces entre l'angle rentrant et le corps de la fenêtre.


L'église Saint-Germain - Plan de la ville de Rennes par Bertrand d'Argentré en 1616/18

A suivre...


A propos :

Même si cet ouvrage est "daté", et provoque même souvent des moqueries des exégètes postérieurs dont le fameux Banéat (depuis le travail scientifique et de nouvelles découvertes par les archivistes, ou les archéologues aussi dans le cas des fondations et de l'évolution de la ville de Rennes par ex., ont bien évidemment permis de réviser certaines de ses assertions), ce qui est écrit ici n'en reste pas moins d'une valeur inestimable quant à ses sources véritables mais aussi par son style si rafraîchissant (j'ai corrigé quelques coquilles comme un "n" à la place d'un "u"...) et même tout simplement par son écriture simple et affirmée qui nous permet de remonter le temps et de revenir à une époque finalement pas si lointaine où l'histoire et la connaissance avait un bel avenir prometteur par son accès au plus grand nombre...

"Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne
" en 4 volumes, Nantes, 1778-1780.
Puis les éditions revues et augmentées en 1843 puis en 1853 (celle ici présentée) par A. Marteville et P. Varinque l'on peut retrouver sur GoogleLivres (édition de 1843)
La version originale, numérisée en 2010 par l'Université d'Ottawa, est archivée et disponible librement en ligne (mais sans l'article concernant l'église Saint-Germain rajouté en 1843) : volume 1, volume 2, volume 3, volume 4 (Internet Archive).

A lire aussi :
"Le Vieux Rennes" - Paul Banéat - 1911 - Rare
"Rennes du temps passé"
- Roger Blond - Editions de la Cité - Brest - 1971
"Rennes antique" - Dominique Pouille - Presse Universitaires de Rennes - 2008

Plus d'infos :
L'église Saint-Germain de Rennes (01)
Le site officiel de la paroisse : www.saint-germain-rennes.fr
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